Par une nuit sans lune, une jeune écaplifette timide aux couleurs d'un ciel d'été entra dans la grande demeure silencieuse et inquiétante. Cherchant son chemin parmi les pierres noires de l'imposant manoir, des pensées se pressaient dans sa tête. Était-elle sûre de ce qu'elle faisait ? Certes sa détermination était grande et elle savait qu'elle avait trouvé là sa voie, mais son acte serait il considéré comme une trahison ? Car si elle désirait par dessus tout s'émanciper de l'influence de son mentor, elle n'en gardait pas moins un profond respect et un véritable amour filial pour lui.
Parvenue dans la salle des recrutements, elle prit le temps de bien s'imprégner de l'ambiance de la pièce. Pendant un instant elle s'imagina Grande Sorceresse au sein de l'Ordre, son pouvoir dominant ses ennemis et soutenant ses amis. Elle se prit à rêver de grandeur et de merveilleuses batailles, de conquêtes courageuses et de victoires éclatantes. Se voyant au sommet de la gloire, seule détentrice d'un pouvoir suprême qui rétablit les torts et punit les lâches, elle bomba le torse et laissa échapper un ronronnement sonore de contentement.
Surprise par ce bruit qui venait de sa propre poitrine, elle jeta des regards inquiets autour d'elle, mais elle ne remarqua pas les Sorciers de l'ordre qui l'observaient en secret. Le moment de gloire était passé, sa timidité de jeunesse reprit le dessus et elle lança rapidement sur une table une liasse de feuillets apparemment arrachés d'un journal intime, avant de prendre la fuite, effarouchée par son audace.----
[note manuscrite de Ribosome]
Bonjour Grands Sorciers,
je m'appelle Ribosome, et je viens postuler pour rejoindre votre ordre au nom prestigieux. Je ne suis pas très forte pour parler de moi-même, je vous ai donc apporté ces quelques notes à mon sujet volées dans le journal de mon mentor.
[extrait du journal de Neradoc - date inconnue]
Cher journal,
aujourd'hui j'ai trouvé un joli petit chat devant ma maison, il traînait entre les rails de la voie désaffectée. J'aime bien les petits chats et celui-ci avait l'air triste et solitaire. Je l'ai fait entrer en proposant une coupelle de lailait sur laquelle il s'est rué comme s'il n'avait pas mangé depuis plusieurs jours ! Ses ronronnement faisaient autant de bruit que ses lapements !
Après qu'il ait bien mangé je l'ai examiné, ses poils étaient tout sales et quelques croûtes de sang séché (beuerk) m'ont montré qu'il avait subit des attaques des méchantes bêtes de la forêt. Je l'ai lavé et soigné et c'est ainsi que j'ai vu que c'était une fille. J'ai déjà beaucoup d'animaux à m'occuper, mais en faisant bien attention d'enfermer les bwaks dans leurs cages je pourrai aussi m'occuper de ce chat !
[extrait du journal de Neradoc - date inconnue]
Cher journal,
le petit chat grandit bien vite, c'est étonnant, mais je crois que je sais pourquoi: c'est en fait un petit bébé écaflipette ! Holala je ne sais pas si je pourrai être papa... Mais je ne peux pas la laisser maintenant, elle me manquerait trop. Bon alors il faut que je lui trouve un nom hein, je ne peux plus l'appeler "le chat". Bon elle est rigolote, son poil est beau, et elle passe beaucoup de temps à faire des sommes, je vais l'appeler Ribosome ! (Quoi c'est pourri ? Tais toi toi t'es qu'un journal d'abord !)
Ah Ribosome, dès demain je commencerai à t'apprendre à parler, à marcher, à lire et à écrire, je ferai de toi une érudite et tu seras fière de moi et je serai fier de toi, et même que personne il se sera jamais aussi bien occupé d'un chaton comme ça !
[extrait du journal de Neradoc - date inconnue]
Cher journal,
ma petite Ribo est bien grande maintenant, elle me dépasse d'une tête ou deux ! Elle m'aide dans mes travaux à la maison, grâce à son travail d'érudite j'ai réunit mon propre exemplaire de la collection intégrale des parchemins de la nouvelle édition de "comment améliorer votre QI en 101 étapes". Elle me fait toujours des sourire quand je travaille à ma forge.
Cependant des fois son regard est bizarre, comme si ses pensées étaient loin loin. Il faudra que je lui en parle, c'est comme si elle avait mal tout le temps dans son esprit. Je me demande si elle pense à ses parents. Mais hélas je ne sais rien à leur sujet...
[extrait du journal de Neradoc - date inconnue]
Cher journal,
ces derniers jours Ribo m'inquiète. Elle a finit par m'expliquer pourquoi ces regards vides. Elle se souvient de ses parents, malgré l'âge très jeune où elle les a perdus. Elle se souvient de la douceur de sa mère, de la fière allure de son père, des jeux avec ses deux grand frères. Elle se souvient des créatures de cauchemar qui les ont attaqués et qui ont fait d'elle une orpheline.
Elle m'a dit tout cela après notre rencontre avec un Trool égaré. C'était la première fois qu'elle en voyait un en face. Quand il lui a crié "ote toa de mon cheumin sal miosh" j'ai d'abord cru qu'elle allait s'évanouir, et soudain elle s'est déchaînée contre lui avec toutes griffes et toutes ses dents. Je crois bien que ce sont des Trools qui ont attaqué ses parents...
Sans mon intervention je ne sais pas ce qu'il lui serait arrivé ! Du haut de ses 36 bougies ma petite Ribo n'est pas de taille face à cette montagne de muscle sans cervelle. J'en rend ici grâce à ma déesse Eniripsa d'avoir épargné la vie de ma petite.
[extrait du journal de Neradoc, le 15 Maisial de l'an 639]
Cher journal,
j'ai peur que Ribosome ne me quitte.
Depuis quelques jours elle semblait très triste à cause de son impuissance face au Trool de ses cauchemars. Hier je l'ai entendue crier à la lune qu'un jour elle sera la plus puissante Sorcière que le monde des Douze ait connu. Elle ne savait pas que je l'entendais. J'ai donc du lui expliquer qu'on disait "sorceresse", "sorcière" c'est pour les moches. Et puis que la colère c'est pas bien ! Ça mène à la haine et la haine ça mène à la souffrance ! Un truc comme ça.
Ça l'a beaucoup énervée. Elle a dit que je comprenais pas sa douleur, et je crois qu'elle pense que je l'espionnais, tout ça parce que je m'étais déguisé en tabouret !
Maintenant elle dort dans son coussin préféré, ou elle fait semblant, j'ai l'impression qu'elle attend que je me couche pour partir. Elle a évité mon regard toute la soirée. Ah enfin la nuit porte conseil hein qu'on dit ?